DISPARITION de MOSE ALLISON

Publié le par bobby

DISPARITION de MOSE ALLISON
Agile pianiste jazz et bluesman émérite, ce natif du Mississippi a toujours navigué entre les genres, avec un mélange de gouaille sudiste et de distinction. Il s'est éteint le 15 novembre, à Hilton Head en Caroline du Sud. Il avait 89 ans.
Il n'était ni tout à fait jazz, ni complètement blues. On l'a parfois cru noir alors qu'il promenait un look de major british à fine moustache de l'armée des Indes (joué par David Niven). Il est vrai que Mose Allison est né à Tippo, dans le Mississippi, et qu'il a ramassé du coton dans les champs de son grand-père fermier. Dans l'un de ses morceaux les plus connus, Parchman Farm (1957), il ose même se glisser dans la peau d'un taulard colored, ce qui n'a pas plu à tout le monde. Mais cet homme du Sud, courtois, charmant, naturellement détaché, savait rester cool face aux procès d'intention. Dès son installation à New York en 1956, il a pris le pli d'être un outsider. Pianiste agile, Mose Allison s'est ménagé une place aux côtés des Stan Getz, Gerry Mulligan et Phil Woods. Sa facilité à manier l'idiome blues l'a rendu difficile à étiqueter. C'était un homme-passerelle, éclectique par constitution plus que par choix. Capable de reprendre aussi bien Duke Ellington ou George et Ira Gershwin, que Sonny Boy Williamson ou Ray Charles.
 
DISPARITION de MOSE ALLISON
Au bout de quelques albums parsemés de titres chantés, son label (Prestige) s'est avisé de mettre en avant ce talent vocal, certes mineur, mais bigrement efficace, en baptisant le douzième Mose Allison Sings. On l'y entend s'approprier entre autres le Seventh Son de Willie Dixon. Le style décontracté (on ne disait pas encore laid back) du bonhomme, parfumé de gouaille sudiste mais gardant toujours une forme de retenue caustique, rappelle celui du grand Hoagy Carmichael, l'homme de Georgia on My Mind. Popularisé dans les années 60 jusqu'en Grande-Bretagne, Allison va décomplexer quelques blanc-becs férus de blues. Ainsi les Yardbirds donneront une touche de furie au très laconique I'm Not Talking (« Je ne parle pas – c'est tout ce que j'ai à dire ») ; Pete Townshend adaptera Young Man's Blues à la démesure des Who. Le cercle des admirateurs de Mose Allison s'étendra des Rolling Stones à Nick Drake, avant que le Californien Randy Newman ne s'affirme comme son digne héritier, piano et sarcasmes inclus.
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Pendant qu'une nouvelle génération perpétuait l'hommage (Elvis Costello, The Clash…), l'imperturbable gentleman, toujours moustachu et souvent coiffé d'un bob, a continué d'enregistrer régulièrement dans les années 1980 et 1990. Et même passé une quasi canonisation par ses disciples Van Morrison et Georgie Fame (l'album collaboratif Tell Me Something : The Songs of Mose Allison, 1997), ce monsieur très discret n'a pas cessé de taquiner l'ivoire et de régaler l'auditoire de son élégante ironie. My mind is lost until the day I die, s'amusait-il dans un de ses morceaux les plus savoureux, Lost Mind. Il est plus probable que Mose Allison ait gardé toute sa tête jusqu'à sa mort chez lui, à Hilton Head (Caroline du Sud), le 15 novembre, de « causes naturelles », a précisé sa femme. « Depuis la fin du monde, je ne sors plus beaucoup », chantait-il encore. Le monde va continuer sans lui mais il manquera – au jazz, au blues et aux amateurs de toute couleur. 
Télérama WeekendFrançois GORIN
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