ALVIN LEE R.I.P
Alvin Lee s’en est allé
Alvin Lee, guitariste du groupe Ten Years After. - Photo Joe Travar. Reuters
Alvin Lee est donc définitivement «gone home». Le chanteur guitariste du groupe phare blues rock Ten Years After est mort mercredi à 68 ans de complications postchirurgicales. «Nous avons perdu un compagnon et un père adoré, le monde a perdu un grand musicien», commente le communiqué familial, signé Evi, sa compagne, Suzanne, son ex-femme et Jasmin, sa fille (1). Sans plus de détails sur l’opération ni le lieu du décès. Alvin Lee devait partager l’affiche de l’Olympia, le 7 avril, avec Johnny Winter, son semblable blues rockeur albinos ; toute une époque…
Né à Nottingham en 1944, Graham Barnes, vrai nom dudit Alvin Lee, découvre la guitare à 13 ans. Deux ans après, il rencontre le bassiste Leo Lyons. La base du futur Ten Years After est posée. Biberonné au jazz blues, Graham-Alvin adhère pleinement à la naissance du rock’n’roll, et au son de Chuck Berry, dont il adopte la Gibson demi-caisse.
The Jaybirds, son premier groupe, reste confiné à Sherwood. Ce n’est qu’après son apparition au Star Club de Hambourg en 1962 (à l’instar des pré-Beatles), que la formation va se faire connaître. Mais le nom du groupe ne plaît pas. De retour en Angleterre, Jaybirds sans l’article devient Jaybird sans le «s» et même Blues Yard. Ce n’est qu’en s’établissant à Londres en 1966, comme Ten Years After, que le groupe va enfin percer.
La percée se fait aux Etats-Unis surtout, avec un premier disque que l’underground de San Francisco adopte, le promoteur star Bill Graham montant leur première tournée en 1968. Sur l’élan, la transe mythologique du blondin à la Gibson 335 rouge sur I’m Going Home galvanise Woodstock. Immortalisée par le film de 1969, la performance va enfermer à jamais ce guitariste plutôt versé au picking dans le rôle de la star rock, condamnée à tricoter encore et encore le riff ultrarapide de son «I Go Home» medley emblème.
Dans une interview accordée à Rolling Stone en 1975, Alvin Lee, revenant sur ces années incroyables où avec Ten Years After ils ne jouaient plus dans des salles mais dans des stades, dira : «Avant le festival, le public venait chercher le côté jam session, le swing, le blues. Après Woodstock, nos fans sont devenus bruyants, tout ce qu’ils voulaient, c’était I’m Going Home. J’ai été obligé de changer mon style de guitare. J’étais devenu un rocker malgré moi.»
Ten Years After multiplie dès lors les tournées américaines. Il y en aura 28 en sept ans, record absolu pour un groupe anglais. Alvin Lee n’en peut bientôt plus de ce cirque. Jouer ainsi ne l’amuse plus. Avec George Harrison, Steve Winwood, Ron Wood et Mick Fleetwood, il enregistre On The Road to Freedom. L’album marche sans plus ni suite. Ten Years After devient Ten Years Later. Jusqu’en 1980, où Alvin Lee se met à tourner et enregistrer en solo.
Le guitar hero aura, l’un dans l’autre, gravé 20 albums, dont 14 solos, le dernier en 2012 sous le titre Still on The Road to Freedom. Il a partagé la scène avec nombre de pairs éminents, dont Mick Taylor (Rolling Stones) ou Steve Gould (Rarebirds).
Son nom, glissant dans l’oubli, resurgissait de loin en loin en province. En 2008, il remplissait encore l’Olympia sur son nom. Sa guitare rouge était toujours là. Sa voix faisait le british blues et ses doigts se taillaient encore un chemin alerte sur le manche de sa 335. Là aussi, là encore et toujours, Alvin Lee, au troisième rappel, avait dû s’exécuter et refaire le fatal solo qui l’avait condamné à vie, sa main de gloire : «I Go Home». L’y voilà arrivé.